mercredi 29 mai 2013

Qualité et comportements : les relations quotidiennes



Je profite de ce que je vais vous abandonner une semaine (je vais au Québec) pour vous proposer un texte un peu plus long que d’habitude. Il s’agit d’un témoignage que j’ai sollicité auprès d’un jeune directeur d’établissement médicosocial avec lequel j’ai échangé au cours d’un repas sur des sujets forts intéressants. Il se trouve que ce directeur est Sénégalais et la conversation s’est orientée vers les coutumes de son pays et notamment de la relation des personnes âgées avec leur entourage. Certaines pratiques culturelles ne sont pas exportables car certainement très ancrées dans l’éducation africaine mais j’ai imaginé  que l’on pourrait par exemple retarder la dégradation intellectuelle des vieilles personnes résidentes par une amélioration de leurs relations avec les personnels

Il ne s’agit pas là encore d’écrire une procédure compliquée mais de faire comprendre la nécessité de ces contacts permanents. Yakia (le directeur) me racontait que les connaissances de son grand père, lorsqu’elles passaient devant la maison où se tenait son aïeul, le saluaient et reprenaient le fil de la conversation de la veille. Cela l’obligeait par conséquent à se souvenir des rencontres des jours précédents et des sujets de conversations abordés. Cela pouvait être des histoires inventées, des échanges sur la santé, etc. Imaginons que les personnels soignants et non soignants engagent ce type de relations. C’est fait aujourd'hui selon l’humeur et les personnalités mais cette activité deviendrait une belle pratique nécessaire. Cela ne couterait pas beaucoup de temps et cela n’empêcherait pas de vaquer aux tâches quotidiennes de soins et de services. En passant devant une vieille personne, le soignant sportif dira à tel résident :

- Je vous emmène demain avec moi faire le tour du lac en vélo ?

Echanges de mots.

Le lendemain, le même soignant passant devant le résident lui dira :

- Alors ce tour en vélo ?

Il faudra qu’il entre à nouveau dans l’histoire pour poursuivre la conversation.

Une autre soignante abordera un autre sujet soit sur la santé ou soit sur un thème inventé : 
- Comment ça va votre jambe depuis hier ?

- Vous êtes très chic aujourd'hui, il faut me demander en mariage…

Nouvel effort de mémoire et cela multiplié par autant de rencontres au cours de la journée.

Bref, je vous laisse le soin de lire ce texte qui m’a ouvert plein de perspectives pour améliorer les prestations dans les maisons de retraite.




"Les personnes âgées.



Nos traditions ont toujours donné une place importante aux parents et grands-parents. Ainsi, pour prétendre réussir, son épanouissement et donner du sens à sa vie, il est recommandé de bien s’occuper de ses parents. Celui qui le fait, dispose d’une bénédiction qui le protège de tout. Celui qui se soustrait à cette obligation, au contraire risque d’avoir une vie chaotique. Ce point de repère est très présent dans la mémoire collective des Sénégalais.

La vie des Africains tient compte de cet adage. Pour être protégé de tout, il faut irrémédiablement s’occuper de ces ascendants  pour recevoir leur bénédiction. 

Cette démarche pousse généralement à tenir compte de manière importante du passé.

Inscrire le passé dans son quotidien, peut ainsi nous couper d’une vie plutôt centrée vers le futur. De cette manière, on peut constater la préoccupation des africains pour s’occuper de leurs parents, souvent  au détriment de leurs propres enfants. En Europe, ces éléments s’inversent.

Les ascendants en Afrique s’entendent par les parents directs (père, mère, grands-parents, les proches parents (oncle, tante…) et ceux présents dans son propre environnement (quartiers, villages, villes…).


Une autre règle vient renforcer ces éléments. L’individu doit du respect à celui qui est plus âgé que lui, ne serait-ce d’un an.  La majorité des conflits sont gérés avec cet élément, donnant ainsi souvent tort au plus jeune, car il n’a pas su tout simplement éviter le conflit avec quelqu’un à qui, il doit avant tout le respect.


Concrètement, ces règles imposent à l’individu de procurer à ses proches (ascendants) de l’affection, de l’attention et surtout de subvenir autant que possible à leurs besoins matériels et financiers.

Les moments d’attention sont bien repérés sur un calendrier établi sur des bases de la tradition, de la religion ou même de la coutume.

Le fait de ne pas souscrire à toutes ces obligations donne à l’individu un statut particulier, il est coupé d’un important réseau et de ce fait « non considéré », une place peu enviable dans la société.


La mise en œuvre de cette dynamique octroie une place importante aux ascendants et oblige les familles à garder les parents près d’eux. L’absence de structures, telles que les maisons de retraite en France, contribue au maintien des personnes âgées dans le domicile familial. La configuration de la famille élargie (famille et proches parents vivant dans la même maison) participe également à leur  maintien à domicile.

Les personnes âgées disposent de la sorte d’un statut important. Elles disposent de revenus très faibles constitués sous forme de rente durant leur vie active, mais surtout de dons de toutes sortes des autres membres de la société. D’ailleurs en Afrique, nous disons «  les personnes âgées sont des rois ».

La personne âgée doit s’assurer de la bonne gestion de ces moyens au mieux de ses propres intérêts. Elle doit veiller à maintenir  ce réseau  et développer les appuis qu’il lui procure.

En raison de son manque de mobilité, voire de sa dépendance,  en retour, elle a besoin de l’appui des membres  de sa famille. En échange de cet appui, elle donne ou redistribue les moyens dont elle dispose.

Ses proches, au-delà des aspects affectifs, comprennent le rôle que la personne âgée joue auprès d’eux.

La personne âgée est de ce fait au centre d’un processus, qui l’oblige à communiquer de manière intense avec toutes sortes de personnes. Ce réseau global peut être estimé à environ 100 à 200 personnes.

La faculté principale pour gérer ce réseau est la mémoire. La personne âgée est ainsi invitée à garder et surtout faire travailler sa mémoire et ses repères constamment. Car la perte de la qualité de cette mémoire a pour conséquence de rompre le processus, créant de la sorte l’isolement.

Ce processus dont bénéficie la majorité des personnes âgées les protège des maladies liées à la perte de mémoire de type Alzheimer.

Si l’on compare leur situation à celle que l’on trouve généralement en France, particulièrement dans les établissements, type maisons de retraite, on constate, le rôle que jouent les problèmes d’isolement, de faiblesses des échanges humains et autres. 

Autre exemple, il n’est pas rare, lors des obsèques d’une personne âgée de voir pas moins 500 personnes, ce qui explique la richesse de son aspect humain durant sa vie.

D’ailleurs un proverbe africain dit bien : «  le meilleur remède de l’homme est l’humain ».



Bien entendu, la plupart de ces points méritent d’être développés.



A bientôt  Yvon.



Cordialement.



Yakia"
  

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