Daniel COHEN, dans un chapitre de son génial bouquin sur la prospérité du vice dont je vous ai déjà parlé, évoque l’évolution des activités humaines. Il rappelle pour cela quelques auteurs célèbres comme Jean FOURASTIE, Alfred SAUVY ou bien encore Colin CLARK.
Je cite quelques extraits :
« Le monde moderne ne se résume pas au passage d’une société rurale à une société industrielle. Il tend en fait vers un troisième terme : une société de services »
« Le tertiaire ne représentait que 15 % des emplois en 1820. Il en compte environ les trois quarts aujourd'hui. »
« Il est plus facile de robotiser le travail d’un ouvrier d’usine que celui d’un docteur ou d’un coiffeur »
Toutes ces affirmations — très justes au demeurant — ont conduit certains politiques ou journalistes à conclure que l’industrie était condamnée. On nous explique que nous devons accepter l’inéluctable, c'est-à-dire la disparition progressive de nos entreprises de production et leur transfert dans les pays émergents à moindre coût de main d’œuvre. On nous explique que désormais, le futur est dans le service.
C’est vrai mais en partie seulement.
En effet, nous ne sommes plus dans une société rurale mais les agriculteurs produisent toujours. Sans faire de recherche approfondie, je parie même que notre production agricole est plus importante aujourd'hui qu’il y a un siècle.
Or, pourquoi ne raisonnons-nous pas ainsi pour l’industrie ? Pourquoi sommes-nous persuadés que nous devons produire moins ? Il est vrai que c’est la tendance actuelle puisque ce n’est pas l’accroissement de la productivité qui réduit notre patrimoine industriel mais les délocalisations volontaires ou forcées.
Comme le monde rural, nous devrions produire plus avec moins de ressources humaines et nous n’aurions alors, comme seul souci, le développement des services pour compenser les pertes d’emplois. Hélas trois fois hélas, nous agissons comme si nous devions REMPLACER l’industrie de production par du service et non pas simplement COMPENSER ses réductions d’effectifs.
Si nous acceptions de voir disparaître notre industrie de production, le problème qui se poserait alors serait de savoir ce que nous allons échanger en contrepartie de l’importation de tous ces biens matériels que nous savons de moins en moins fabriquer.
Qu’allons-nous exporter ? Des coupes de cheveux ? Des consultations de médecins ? Des services à domiciles ? Des maisons de retraite ? Des idées ? De la culture ?
D’aucuns pensent que les productions d’objets ne peuvent être réalisées en France (et en Europe) car nous sommes trop chers. N’est-ce pas la même chose pour le service ? Les traitements de données, les centres d’appels, la comptabilité, et j’en passe, dans quelles contrées les trouve-t-on ? Très souvent, les activités de service sont encore plus facilement délocalisables.
D’accord, les grosses productions de masse nous échappent parce que les biens de consommations doivent être fabriqués à proximité des lieux de consommation. Cependant, il nous reste suffisamment de niches à exploiter. Avec la mondialisation et l’émergence de nouveaux pays développés, les niches à l’échelle mondiale représentent de véritables productions de séries pour nous, petit pays. Et puis, arrêtons de pleurer sur nos coûts excessifs. De nombreux produits se vendent très chers pour des raisons d’images de marque ou de sécurité par exemple. Ils sont fabriqués au Japon, en Allemagne, aux Etats Unis, en Autriche, en Hollande, pays qui ne sont pas réputés low cost n’est-ce pas. On y produit des motos, des automobiles, des machines outils, des équipements de travaux publics, des trains et des tramways.
Nous devons développer des activités de services bien entendu mais nous ne devons pas abandonner celles de production. L’image de marque de l’industrie n’est peut être pas aussi bonne pour les personnels qui y travaillent mais les activités y sont aussi passionnantes que dans le tertiaire. Bon d’accord, on se salit un peu les mains et il fait parfois un peu froid dans les ateliers mais on y gagne de l’argent et on y crée des richesses. Le combat est le même que l’on exerce dans le service ou en production. Il faut résister à la concurrence internationale. Il faut innover, rechercher l’adaptabilité et la souplesse, bref, penser l’entreprise autrement. La révolution à venir n’est pas dans la transformation des activités secondaires en tertiaires mais dans le changement de nos modes de management.
Angoissant, non ?
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Il y a 1 an
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