Je profite de ce que je vais vous abandonner une semaine (je vais au Québec) pour vous proposer un texte un peu
plus long que d’habitude. Il s’agit d’un témoignage que j’ai sollicité
auprès d’un jeune directeur d’établissement médicosocial avec lequel j’ai
échangé au cours d’un repas sur des sujets forts intéressants. Il se trouve que
ce directeur est Sénégalais et la conversation s’est orientée vers les coutumes
de son pays et notamment de la relation des personnes âgées avec leur
entourage. Certaines pratiques culturelles ne sont pas exportables car
certainement très ancrées dans l’éducation africaine mais j’ai imaginé que l’on pourrait par exemple retarder la
dégradation intellectuelle des vieilles personnes résidentes par une amélioration
de leurs relations avec les personnels
Il ne s’agit pas là encore d’écrire
une procédure compliquée mais de faire comprendre la nécessité de ces contacts
permanents. Yakia (le directeur) me racontait que les connaissances de son
grand père, lorsqu’elles passaient devant la maison où se tenait son aïeul, le
saluaient et reprenaient le fil de la conversation de la veille. Cela
l’obligeait par conséquent à se souvenir des rencontres des jours précédents et
des sujets de conversations abordés. Cela pouvait être des histoires inventées,
des échanges sur la santé, etc. Imaginons que les personnels soignants et non soignants
engagent ce type de relations. C’est fait aujourd'hui selon l’humeur et les personnalités
mais cette activité deviendrait une belle pratique nécessaire. Cela ne couterait
pas beaucoup de temps et cela n’empêcherait pas de vaquer aux tâches quotidiennes
de soins et de services. En passant devant une vieille personne, le soignant
sportif dira à tel résident :
- Je vous emmène demain avec moi
faire le tour du lac en vélo ?
Echanges de mots.
Le lendemain, le même soignant
passant devant le résident lui dira :
- Alors ce tour en vélo ?
Il faudra qu’il entre à nouveau
dans l’histoire pour poursuivre la conversation.
Une autre soignante abordera un
autre sujet soit sur la santé ou soit sur un thème inventé :
- Comment ça va votre jambe depuis hier ?
- Comment ça va votre jambe depuis hier ?
- Vous êtes très chic aujourd'hui,
il faut me demander en mariage…
Nouvel effort de mémoire et cela multiplié
par autant de rencontres au cours de la journée.
Bref, je vous laisse le soin de
lire ce texte qui m’a ouvert plein de perspectives pour améliorer les prestations
dans les maisons de retraite.
"Les
personnes âgées.
Nos
traditions ont toujours donné une place importante aux parents et
grands-parents. Ainsi, pour prétendre réussir, son épanouissement et donner du
sens à sa vie, il est recommandé de bien s’occuper de ses parents. Celui qui le
fait, dispose d’une bénédiction qui le protège de tout. Celui qui se soustrait
à cette obligation, au contraire risque d’avoir une vie chaotique. Ce point de
repère est très présent dans la mémoire collective des Sénégalais.
La vie des Africains tient compte de cet adage. Pour être
protégé de tout, il faut irrémédiablement s’occuper de ces ascendants pour recevoir leur bénédiction.
Cette
démarche pousse généralement à tenir compte de manière importante du passé.
Inscrire
le passé dans son quotidien, peut ainsi nous couper d’une vie plutôt centrée
vers le futur. De cette manière, on peut constater la préoccupation des
africains pour s’occuper de leurs parents, souvent au détriment de leurs propres enfants. En
Europe, ces éléments s’inversent.
Les
ascendants en Afrique s’entendent par les parents directs (père, mère,
grands-parents, les proches parents (oncle, tante…) et ceux présents dans son
propre environnement (quartiers, villages, villes…).
Une
autre règle vient renforcer ces éléments. L’individu doit du respect à celui
qui est plus âgé que lui, ne serait-ce d’un an.
La majorité des conflits sont gérés avec cet élément, donnant ainsi
souvent tort au plus jeune, car il n’a pas su tout simplement éviter le conflit
avec quelqu’un à qui, il doit avant tout le respect.
Concrètement,
ces règles imposent à l’individu de procurer à ses proches (ascendants) de
l’affection, de l’attention et surtout de subvenir autant que possible à leurs
besoins matériels et financiers.
Les moments
d’attention sont bien repérés sur un calendrier établi sur des bases de la
tradition, de la religion ou même de la coutume.
Le
fait de ne pas souscrire à toutes ces obligations donne à l’individu un statut
particulier, il est coupé d’un important réseau et de ce fait « non
considéré », une place peu enviable dans la société.
La
mise en œuvre de cette dynamique octroie une place importante aux ascendants et
oblige les familles à garder les parents près d’eux. L’absence de structures, telles
que les maisons de retraite en France, contribue au maintien des personnes
âgées dans le domicile familial. La configuration de la famille élargie
(famille et proches parents vivant dans la même maison) participe également à
leur maintien à domicile.
Les
personnes âgées disposent de la sorte d’un statut important. Elles disposent de
revenus très faibles constitués sous forme de rente durant leur vie active,
mais surtout de dons de toutes sortes des autres membres de la société.
D’ailleurs en Afrique, nous disons « les personnes âgées sont des
rois ».
La
personne âgée doit s’assurer de la bonne gestion de ces moyens au mieux de ses
propres intérêts. Elle doit veiller à maintenir
ce réseau et développer les
appuis qu’il lui procure.
En
raison de son manque de mobilité, voire de sa dépendance, en retour, elle a besoin de l’appui des
membres de sa famille. En échange de cet
appui, elle donne ou redistribue les moyens dont elle dispose.
Ses
proches, au-delà des aspects affectifs, comprennent le rôle que la personne âgée
joue auprès d’eux.
La personne âgée est de
ce fait au centre d’un processus, qui l’oblige à communiquer de manière intense
avec toutes sortes de personnes. Ce réseau global peut être estimé à environ
100 à 200 personnes.
La faculté principale
pour gérer ce réseau est la mémoire. La personne âgée est ainsi invitée à
garder et surtout faire travailler sa mémoire et ses repères constamment. Car
la perte de la qualité de cette mémoire a pour conséquence de rompre le
processus, créant de la sorte l’isolement.
Ce
processus dont bénéficie la majorité des personnes âgées les protège des
maladies liées à la perte de mémoire de type Alzheimer.
Si
l’on compare leur situation à celle que l’on trouve généralement en France,
particulièrement dans les établissements, type maisons de retraite, on
constate, le rôle que jouent les problèmes d’isolement, de faiblesses des
échanges humains et autres.
Autre
exemple, il n’est pas rare, lors des obsèques d’une personne âgée de voir pas
moins 500 personnes, ce qui explique la richesse de son aspect humain durant sa
vie.
D’ailleurs
un proverbe africain dit bien : « le meilleur remède de l’homme est
l’humain ».
Bien
entendu, la plupart de ces points méritent d’être développés.
A
bientôt Yvon.
Cordialement.
Yakia"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire